Vous qui vous dîtes artistes, crachez vos insolences
      Le cœur plein de fierté, de stupides arrogances
      Vous pensez vous hissez au dessus de la masse des petites  gens et pensez apporter à notre monde une plus-value indispensable à nos mornes  journées
      Vous pensez avoir le talent que les autres n'ont pas
      Vous vous pensez valoir être en dessus du tas
      Vous pensez faire partie d'une élite, d'une intelligentsia
      D'une petite-bourgeoisie, ne serait-ce que par l'esprit,
      Lorsque vous vous vantez devant le tout-Paris.
      Vous avez le talent
      C'est ce que vous croyez
      En fait, sans faux-semblant
      Vous n'avez que le temps...
      (et même rarement d'idées)
      
	  
Mon fils de 1 an  est plus artiste que moi
          Quand il trace et  dessine avec le bout des doigts
          Sur la grande  table en bois
          Sa bouffe  régurgitée
          Et qu'il en fait  un tas.
          Il trace très  consciencieusement quelques traits de purée
          Et reproduit  l'image de son esprit
          Et pour mieux  fluidifier le matériau épais
          Il renverse de  l'eau pour mieux le diluer.
          Car mon fils a le  temps,
    le temps de ses 1 ans...  
Je comprends cependant, et ne vous en veux point
	  D'espérer librement vivre de votre temps
	  Sans vous esquinter à ces boulots navrants
	  Et payés au lance-pierre par les patrons-tyrans
	  Mais là où le bas blesse, c'est quand vous vous sentez
  Être en dessus du lot et regardez avec votre regard  prétentieux...
  Ça flatte votre égo de vous croire différents
	  Mais jamais vous vous dîtes
	  Que ce n'est seulement
	  Que vous avez le temps.
Vous buvez, vous mangez, vous dormez dans un lit
	  Vous prenez le métro, rencontrez des amis
	  Vous lisez des journaux, vous prenez des outils
	  En clair vous vivez grâce aux autres, à leurs vies.
	  Si on était tous « Artistes », comme vous vous  prétendez
	  Pourriez-vous spécifier de ce que l'on vivrait
	  Sans boire et sans manger, sans dormir dans un lit
	  Sans prendre le métro rencontrer nos amis
	  Et sans lire les journaux, sans prendre des outils...
	  Alors vous vous diriez travailleurs car ce que vous désirez,
	  c'est l'idole de la minorité.
Nous sommes tous des artistes, refoulés, in-développés
	  Chacun dans son domaine, dans sa forme d'expression
	  Car on n’a pas appris, on n’a pas eu cette chance
	  De pouvoir exprimer quelques bouts de présence.
- L'Art n'est rien, l'Art est tout
  Et dans nos société l'Art est un tout-ou-rien
  Vous êtes les toutous, les artistes aboyant -
Et vous avez besoin des critiques.
	  Elles aussi, c'est leur boulot, des gens payés à critiquer
	  Ce qui est bon ou mauvais.
              - Vous  faîtes partie et vous cautionnez en vous déclarant « artistes » une  grosse machinerie mercantiliste et  vous poussez le cynisme à son extrémité quand vous osez claironner votre classe distinguée de poètes invétérés  sur le marché mondialisé. -
Si nous avions le temps, si nous avions l'argent,
	  Des journées de 4h, prendrions les devants
	  A nous laisser aller à l'expression artistique
	  C'est très logique comme mécanique...
Au lieu de les hurler, ces avenirs chantants
	  Et vous faire applaudir en piédestal béant
	  Venez les pratiquer sur le ciment à nu
	  Et osez affirmer que l'Art est dans la rue
	  Qu'il nous concerne tous
	  A portée de nos mains
	  Il n'attend qu'une goutte
	  Et qu'en serrant les poings
	  On puisse l'attraper et se l'approprier
	  Car l'Art en vos doigts seuls est une prostituée
	  Et nous la voulons libre en chacun dispersée
	  Chacun à sa valeur, chacune à sa mesure
	  Et que l'Art collectif soit une éclaboussure
	  Pour que tous soient touchés, du vieux au nouveau-né...
	  ...Et que l'Art soit enfin craché à vos figures...
Vous faîtes partie de ce monde qui trouve normal que  certains soient payés pour nettoyer nos déchets, pour nettoyer nos bureaux,  alors que jamais ne vous viendrait à l'esprit qu'on nettoie ce qu'on salit.
	  Et pour avoir bon dos, pour faire bien comme il faut,
	  Vous déclarez qu'il n'y a pas de sots métiers.
	  Mais vous vous êtes artistes...
	  Et vous n'y pouvez rien, un peu de volonté d'avoir pris ce  chemin.
	  Si cela a marché, si vous êtes adulés, et qu'en contrepartie  vous avez l'indécent salaire
	  Vous faîtes encore plus propre en causes humanitaires...
	  Ah c'est sûr, vous êtes flamboyant de moralité
	  De faire rêver les gens et d'en plus les aider
	  Vous vous croyez des Dieux même sans vous l'avouer
	  Mais profitez-en bien car bientôt vous verrez
	  L'on ne vous croira plus,
	  Alors votre art rampant tombera dans les nues
	  On prendra votre temps, et vous prendrez du nôtre
	  Les vases communicants, ça vous dit quelque chose ?
	  Vous devrez travailler un peu de nos contraintes
	  Nous pourrons artiser ce qu'étaient nos complaintes
	  Nous serons donc égaux, pourrons lutter ensemble
	  Pour que le temps de vivre ne soit pas que des cendres,
	  Car l'Art est dans la rue,
	  Au risque de me répéter,
	  Et qu'il se tient fort bien comme on tient un pavé.