Couché devant l'étang, gelé, c'était l'hiver
Je revenais fourbu d'une chasse aux sorcières
Qui était accusée si mes souvenirs sont bons
Si la rumeur est vraie de vivre de sa passion
De ne pas travailler.
Comme j'étais alors honnête citoyen
Toujours droit comme il faut, toujours dans le chemin
Je me devais ainsi exercer mes Devoirs
Avec ma carte-express de chasseur d'exutoire
Et d'employé modèle du cher Gouvernement
Être acteur de la grande République inscrite dans le ciment.
J'étais dans la milice dite démocratique
J'étais un fanatique du Bien humanitaire
Oui j'étais au Parti des tolérances critiques
Il me fallait agir plutôt que de me taire.
Contrôle d'identité, surveillance de ses gênes
Admission d'un implant, remédiation forcée
Petite séance en cours d'un travail à la chaîne
Tout ce qu'il lui fallait pour être bien normée
Et réintégrer au sein du Grand Système
Les bonnes volontés qui étaient à la traîne.
Oui j'avais le feu vert de tous les grands du monde
Ministres, présidents, de tous les horizons
de Gauche comme de Droite, car pour traquer l'immonde
Tous utilisaient le seul et même bâton.
J'étais un bienfaiteur pour tous les égarés
J'agissais pour leur bien car ils avaient perdu
Leur sens aiguisé des responsabilités
Quant à leur discipline, elle avait disparu.
Je n'étais pas le seul, nous étions des millions
A être serviteurs de l'Organisation
Pour que brille la paix et scintille la bonté
Nous devions réprimer ces petits à-côtés.
Et j'étais parfois même reçu à l'Élysée
Je ne m'en flattais pas en toute sincérité
J'avais pour objectif que l'unanimité
Rejoigne et apprivoise cette belle et noble idée.
Je vous vois esquisser le nom de délateur
Mais ce mot-ci s'emploie pour les totalitaires
Car dans le cas présent il s'agit de bonheur
Qu'on se doit d'imposer pour être égalitaires
Il ne faut pas oublier que le peuple gouverne
Que c'est lui qui élit tous les représentants
Qu'il faut peut-être un peu sortir de sa caverne
Et prendre la mesure de ce qu'est l'air du temps.
...... Aujourd'hui à vrai dire beaucoup d'eau a coulé
Sous les ponts suspendus de mon esprit en ruine
Quand elle coule de mes yeux regardant les vitrines
de ce monde actuel, l'eau prend goût de salé...